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les peuples plus par la douceur que par la force.

Cependant que le roy travailloit de son costé, j’en faisois de mesme du mien, car, en mesme temps, je depeschay Alizan, qui estoit le nom de celuy que Daphnide m’avoit donné pour me guider. Et parce qu’elle se fioit grandement en luy, et que desjà sa fidelité et son affection m’estoient cogneues, je le priay de faire en sorte que je peusse, par sa prudence, revoir encore ceste belle dame, que je n’oublierois jamais l’obligation que je luy avois, de laquelle je m’acquitterois en toutes les sortes qu’il voudroit. II partit avec un mot de lettre et me promit de veiller à mon contentement, et qu’il ne laisseroit perdre une seule occasion sans m’en donner advis, et sans me tesmoigner le desir qu’il avoit de me faire service.

II me laissa de ceste sorte, mais avec tant d’amour, que je n’avois autre pensée que celle de Daphnide. J’esprouvay bien alors que les amans ne mesurent pas le temps comme les autres hommes, mais selon l’impatience de la passion qui les possede. Car les jours me sembloient des lunes, tant je les trouvois longs, n’ayant point de nouvelle de ceste belle dame. Alors, mon plus doux entretien, quand je me pouvois distraire des hommes, c’estoit ma pensée qui continuellement me representoit tout ce qui s’estoit passé en ce voyage. Mais parce que c’estoit