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qu’il les eut touchez, ils se creverent comme avoit fait le premier, et en mesme temps se virent autant de nayades autour de luy qu’il y avoit eu de bouillons en la fontaine. Toutes, comme luy portans honneur, s’inclinerent devant luy, et, sans que je les pusse entendre, deviserent ensemble quelque temps. Et puis, s’estant relevé par-dessus elles, comme en un trosne que l’eau mesme luy faisoit, elles vindrent, comme par hommage, luy baiser la main et luy faire un present. L’une luy presentoit un siege couvert de mousse et de limon ; l’autre, une guirlande de joncs et de rozeaux ; une autre, une ceinture d’algue ; une autre, un panier de chastaignes cornues. L’une luy offroit un bouquet de fleurs de joncs ; l’autre, un filet plein de divers poissons. Bref, il n’y eut une seule qui, pour luy donner quelque preuve de sa bonne volonté, ne luy presentast ce qu’elle avoit peu recouvrer le long de ces bords. Apres qu’il eut receu tous ces presens, et que, pour tesmoigner combien il les avoit agreables, il les eut remerciées par divers signes, j’ouys que, d’une voix haute, et un peu aigre, il dit :

Divines nayades, à qui les destinées ont ordonné de vivre dans mes eaux, et qui vous plaignez d’estre confinées dans ma petite source, au lieu que vous voyez vos sœurs nager à bras estendus dans le large sein du Rosne et de la