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que depuis si peu de temps j’eusse quitté le lieu où il estoit en sa gloire, et que je n’eusse point de souvenir. Je fus donc incontinent accompagné des douces pensées de Daphnide, et apres les avoir quelque temps entretenues, en fin je me mis à chanter tels vers, considerant combien l’absence estoit l’ennemie de l’amour :


Sonnet
Des contentemens d’amour peu asseurez.

Quand on y songe bien, que l’amour est penible !
Que d’une grande peine on tire peu de fruict !
Et qu’aux effects d’amour celuy n’est guere instruict,
Qui pense qu’un bon-heur y puisse estre paisible !

Dès le commencement, un desir invincible
Ne nous laisse en repos ny le jour ny la nuict ;
Incontinent, l’espoir, qui pas à pas le suit,
Apres un vain travail, se trouve estre impossible.

Toutesfois, cet espoir, pour un plus grand tourment,
N’abandonne jamais ny n’esloigne l’amant
Qui s’aide à se tromper, et qui s’y fortifie.

Que si, par un hazard, ce bien nous atteignons,
Par une absence, helas ! soudain nous l’esloignons.
Or, ayme, pauvre amant, et sur l’amour te fie !

A peine avois-je finy ces dernieres paroles,