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ils font un beaucoup plus grand effect, parce qu’en amour, les biens et les contentemens esperez semblent estre deus, et que ce soit une injure s’ils sont retardez ou refusez, au lieu que les autres, qui viennent avant l’esperance, font en l’ame de qui les reçoit, comme les coups qui n’ont point esté preveus, c’est-à-dire des effects beaucoup plus grands.

– Si je pouvois, luy dis-je, belle Delie, me desobliger, au peril de ma vie, des faveurs que je reçois de vous, je m’estimerois infiniment redevable à la fortune. Mais n’osant esperer tant de bonheur, je vous supplieray seulement de croire que, pour tesmoignages de l’estime que je fais de votre jugement et de vos bons advis, je les observeray religieusement, et conserveray la memoire des obligations que je vous ay, jusques à la fin de ma vie, et, pour me dégager en quelque sorte de ce que je vous dois, n’ayant point de cœur pour le pouvoir faire dignement, je m’oblige à vous en remettre un entre les mains, que vous estimerez beaucoup plus que celui qui souloit estre à moy, et qui est maintenant à Daphnide. – Alcidon, me dit-elle en sousriant, je voy bien, par vos discours, qu’il est vray que toute chose tourne à son commencement, puis que, quand vous entrastes en ce jardin, vous me tinstes les mesmes propos de la perte de votre cœur, que vous faites maintenant que vous en sortez. Je prie Dieu que celle qui l’a le possede long temps, et cependant je