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voir souvent. Voyez-vous, Alcidon, je vous veux tesmoigner que je vous aime, et puisque vous avez entrepris ceste avanture, et que ç’a esté moy qui vous en ay ouvert la porte, je vous donneray des avis tels, que, si vous les suivez, sans doute vous en viendrez à bout. J’ai un peu plus d’age que ma sœur ; cela est cause que j’ay un peu plus d’experience qu’elle, et peut-estre que vous aussi. Mais n’abusez pas des enseignements que je vous donneray, si vous ne voulez vous en repentir. Ma sœur vous aime, elle me l’a dit, et veritablement je le croy, et vous le pouvez bien juger par le hazard où elle s’est mise pour vous voir, mais elle est fort jeune, et, par ainsi, naturellement subjette aux imperfections de la jeunesse. La jeunesse est prompte à recevoir toutes sortes d’impressions, mais aussi prompte à les perdre, et cela d’autant que l’humidité de leur memoire est comme de la cire bien molle, où l’on imprime aisément tout ce qu’on veut, mais qui, encor plus aisément, perd ses figures imprimées, et mesme pour peu qu’on y en presente de nouvelles. II faut donc pour eviter ce danger, et si vous voulez tousjours estre aimé, et bien aimé, que, par vostre presence ; vous renouveliez souvent ces premieres images, et, ne le pouvant par la presence, autant qu’il seroit necessaire, vous le fassiez par lettres et messages. Car lorsque ces entre-veues inesperées adviennent, ou ces messages non attendus,