Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

en ay rapporté, mais bien, que ceste avanture où je me suis esprouvé donne les plus grandes esperances, et les moindres effects qu’on puisse imaginer. – Et quoy ! me dit Delie, ingrat chevalier que vous estes, vous estiez-vous imaginé de devoir obtenir davantage de ma sœur ? – Beaucoup moins, luy dis-je, quand je regardois mon merite, mais beaucoup plus aussi, quand je considerois mon affection. – Si vous aviez, respondit-elle, un jugement bien sain, vous eussiez faict peut-estre une proposition en vous-mesme toute contraire, car vostre merite devoit obtenir beaucoup, estant Alcidon tant estimé de tous ceux qui le cognoissent, qu’il n’y a rien à quoy son merite ne le puisse justement faire atteindre. Mais vostre amour ne devoit pretendre à chose quelconque, pour encores, estant si jeune, que je ne sçay comment on luy puisse si tost donner le nom seulement d’amour. Pour le moins, on ne le devroit pas faire s’il est vray qu’on ne donne point le nom d’homme à un enfant qui est encore au berceau.

– Comment ! respondis-je, belle sœur de ma maistresse, vous estimez mon amour jeune, qui est né en moy presque aussi tost que la connaissance du bien et du mal, et vous le croyez petit, encore qu’il surpasse en grandeur les plus grands geans qui furent jamais enfantez de la terre ? – Je l’estime jeune, me dit-elle froidement, parce qu’il n’est nay que depuis le jour avant que vous ayez commencé