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comme il parle, et le punissez, s’il se peut, comme il merite.

– Mon juge, interrompis-je alors en sousriant, que ma belle maistresse me commande d’entrer pour son service dans des bataillons armez, qu’elle m’ordonne de me jetter dans un feu, voire, s’il luy plaist tout à cette heure, que je me mette ce poignard dans l’estomach, je le feray devant ses yeux pour luy obeyr, et pour luy rendre tesmoignage du pouvoir qu’elle a sur moy. Et si elle ne croit mes paroles, qu’elle en tire telle preuve qu’elle voudra ; car je suis tres-asseuré qu’elle ne me commandera jamais rien de si hazardeux, que mon amour ne me donne assez de force et de courage pour l’executer incontinent. Mais ne vous souvenez-vous point que, quand, sous l’habit et sous la faveur de Diane, vous me receustes à la preuve de cette advanture, je vous promis d’en observer les coustumes, pourveu qu’elles ne m’ordonnassent rien qui fust contraire à mon amour ? – Je m’en souviens, respondit Delie. – Vous ne devez donc point, repris-je, ô mon juge, trouver mauvais que j’aye fait cette mesme protestation à ma maistresse, puisque, si j’eusse fait autrement, j’eusse esté traistre et perfide envers elle et envers amour. Je luy demande comment il lui plaist que je vive : Je ne veux pas, me dit-elle, que ce soit comme vous avez fait par le passé. Mais si, par le passé, je l’ay aimée autant qu’un cœur peut aimer, en m’ordonnant que je ne fasse