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faire), mais quelque injure à mon amour, je ne requiers pas qu’elle soit punie, car si je luy voyois du mal, je mourrois de peine, mais qu’il luy soit ordonné de ne plus offencer, ny de faict, ny de pensée, l’affection que je luy porte. – Je veux bien, respondit Delie, estre vostre juge à ces conditions. Faictes-moy donc entendre vostre different.

– Apprenez-le, je vous supplie, luy dis-je, de sa propre bouche, car, outre que je sçay qu’elle ne peut dire que la verité, encor est-il raisonnable que vous sçachiez par elle, puis qu’elle m’accuse, quelle est la faute dont elle demande que je sois puny. – Il est vray, dit Delie ; c’est à vous à parler la premiere. – Je vous l’auray bien-tost fait entendre, reprit-elle, car nous n’avons pas eu long discours. II m’a dit ces mesmes mots : Comment, madame, ordonnez-vous que je vive ? Je luy ay respondu. Je ne veux pas que ce soit comme vous avez fait par le passé ; car à cette heure que vous avez quelque preuve de ma bonne volonté, je ne le vous pardonnerois jamais. II m’a respondu : C’est une trop rude ordonnance, et à laquelle je proteste de desobeyr. Et lorsque je luy reprochois cette desobeyssance, vous estes entrée et m’avez empeschée de sçavoir ce qu’il vouloit respondre. Voilà tout ce que nous avons dit.

Lors Delie, se tournant vers moy : Daphnide a-t’elle dit la verité ? – Oui, mon juge, luy respondis-je, et c’est de quoy je vous demande justice, car des injures de perfide et de traistre, je