Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/222

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’heures font beaucoup de choses, puisque je les voy si changés depuis que je m’en suis allée. Je gage, continua-t’elle, chevalier, que vous avez contrevenu aux coustumes, que je vous ai dites, de cette avanture. –Ah non ! respondit sa sœur, mais peut-estre a-t’il bien fait pis, car s’il eust fait ce que vous dites, il n’eust esté que parjure amant, au lieu qu’en ce qu’il a fait, il se desclare perfide et traistre. – Voilà, dis-je, sage Delie, deux grandes injures ; et toutesfois je les endure patiemment jusques à ce que, nous ayant ouy tous deux, vous jugiez et ordonniez quelle reparation elle me doit faire, car je vous veux bien pour mon juge.

– Vraiment, dit Daphnide, voilà le chevalier le plus outrecuidé qui fut jamais : il ose bien demander reparation en ce qu’il ne doit attendre que punition. Mais, Delie, puisqu’il vous veut bien pour son juge, je vous veux bien aussi pour le mien. Oyez ce qu’il a dit, et le condamnez au supplice qu’il merite, si toutesfois il s’en peut trouver un qui puisse esgaler son offence. Et afin qu’il ne die pas que je le rapporte trop aigrement, je veux bien que vous l’oyez de sa bouche mesme.

– Alors, je respondis froidement : Voyez, mon juge, combien mon affection surmonte la rigueur de madame : elle requiert que vous me punissiez cruellement, et moy, si j’ai failly, je vous fay, pour son contentement, la mesme requeste. Mais si c’est elle qui a faict, non pas une faute (je ne croiray jamais qu’elle en puisse