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moy. Il est vray, sage Adamas, qu’ayant demeuré de ceste sorte quelque temps, je luy dis, presque comme hors de moy : Eh bien, madame, comment ordonnez-vous que je vive ? – Je ne veux pas, me dit-elle, que ce soit comme vous avez fait par le passé. Car, maintenant que vous avez cette preuve de ma bonne volonté, je ne le vous pardonnerois jamais. – Voilà, luy respondis-je, madame, une dure ordonnance, et à laquelle je proteste de desobeyr. – Comment, Alcidon, dict-elle, se levant sur le lit tout en sursaut, comment ? vous protestez de me desobeyr ? Pensez-vous bien à ce que vous dites ?

Et de fortune, en mesme temps, Delie mit la clef dans la serrure, et nous ouysmes qu’elle ouvroit la porte. Cela fut cause que, craignant que quelqu’un ne fust avec elle, je me retiray dans le cabinet sans luy point faire de response. Mais quand elle eut refermé la porte, et que je la revis seule, je revins en ma place et voulus reprendre la main de ma belle maistresse. Mais elle, tout en colere, la retira en me disant, si haut que Delie l’entendit : Vous me ferez plaisir, Alcidon, puis que vous estes en ceste volonté, de ne m’importuner pas davantage.

Delie, oyant ces paroles, eut opinion que j’eusse recherché sa sœur de quelque chose qui luy fust desagreable, et cette opinion luy fit dire en sousriant : Voicy une grande colere, et je vois bien que les bons ouvriers en peu