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ne les vis si beaux ? – Vous en direz, reprit Delie, tant de miracles que vous voudrez, mais ne sçaurois-je croire que la liberté ailleurs ne vous fust bien aussi agreable que ceste prison, et mesme avec une si grande contrainte. – Si Diane, luy respondis-je, sçavoit que c’est que d’aimer, et quel contentement on reçoit d’estre aupres de la personne aimée, elle ne seroit pas tant incredule qu’elle est, et au contraire, elle croiroit qu’à ce coup, puisqu’elle nomme le lieu où j’ay esté une prison, j’ay trouvé le proverbe faux qui dit : Nulle belle prison. Car je n’ay jamais esté dans le palais du grand Euric avec plus de plaisir ny de contentement.

Nous continuasmes quelque temps ce discours, avec tant de felicité pour moy que les heures ne me sembloient que des momens. Et celle du soupper estant venue, il me fallut encore r’enfermer, mais ce fut pour peu de temps, car Daphnide ayant, comme je crois, pitié de me laisser seul si longuement, se hasta de sorte que sa sœur se plaignoist qu’elle n’avoit pas eu le loisir de manger. Toutesfois elle eut memoire de moy, et je ne sçay comment, ny avec quelle excuse, elle me fit garder quelque chose, quoy que veritablement ce fust sans que j’en eusse affaire. Seulement, je suppliay la belle Daphnide, puis qu’il falloit que je partisse si tost, de vouloir pour le moins s’exempter ce soir de la visite, pour ne