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vouloir ce que vous dites. Mais puis que je l’ay remise entre vos mains, c’est de vous de qui mon contentement depend, et, selon ce que vous dites, pour faire que je sois content, il faut que vous vueillez que je le sois. – Ma sœur, dit Delie en sousriant, ne plaignez plus le temps que vous avez tenu ce chevalier en cage au chevet de vostre lict, car il me semble qu’il a fort bien appris à parler. – Delie, repliqua Daphnide en se mettant une main sur le visage pour cacher sa rougeur, vous estes si peu sage que je ne sçay, si vous continuez, quelle vous deviendrez.

Apres quelques autres discours, elles furent d’advis de me mettre dans le petit cabinet, jusques à ce qu’elles fussent deshabillées et que leurs filles de chambre s’en fussent allées. Mais quand elles m’ouvrirent la porte, je trouvay que Delie s’estoit mise au lit avec sa sœur, et parce qu’elle prit bien garde que je n’en estois pas trop satisfait : Et quoy ! chevalier, me dit-elle, il semble que vous me fassiez la mine ? Pourquoy me regardez-vous de si mauvais œil, puisque c’est vous qui estes cause que je suis icy ? – Je voy bien, luy respondis-je, que j’en suis cause ; aussi n’en puis-je estre marry, puisque ma belle maistresse le veut ainsi. Il est vray que j’eusse esté bien aise de pouvoir parler à elle sans tesmoins. – Vous avez donc envie, me dit-elle, de tenir secret ce que vous luy direz, et ne sçavez-vous pas