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parole à ma belle maistresse. – II est vray, ma sœur, respondit-elle. Mais, mon frere, je vous supplie qu’il y ait le moins de gens qu’il se pourra et le moins d’instrumens, car j’ay peur que le bruit ne fasse renouveller mon mal de teste.

Le frere, infiniment aise de ces nouvelles, retourna incontinent pour les dire à ceste bonne compagnie, et pour donner ordre à tout ce qui estoit necessaire. Cependant j’eus loisir de me mettre dans le petit cabinet ; et elle d’accommoder de sorte et les rideaux de son lict et la tapisserie, qu’il estoit impossible de me voir, encore que la porte fust assez entr’ouverte pour me laisser voir presque tout ce qui se feroit dans la chambre.

A peine avions-nous bien accommodé toutes choses, quand une grande partie des chevaliers assemblez vint dans la chambre avec un grand nombre de belles dames, et entr’autres Stiliane et Carlis, qui ont accompagné icy ma belle maistresse.

Apres quelques paroles de civilité (car il faut avouer que les chevaliers de la province des Romains et du Venaissin sont des plus courtois de toute la Gaule), chacun se mit à discourir de ce que bon luy sembloit. Mais en fin tous leurs discours vinrent à parler du roy Euric et de la guerre qu’il faisoit, de laquelle ressentant tous grandement l’incommodité, il n’y en avoit un seul qui ne s’en pleignist, et qui, porté de passion, ne médist de ce grand roy. Le