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point de soucy des interests d’autrui. Vous ne vous souciez gueres de ce qui nous peut advenir lorsque vous n’y serez plus, pourveu que tant que vous y demeurerez, vous y soyez sans incommodité. – Vous avez tort, luy dit la belle Daphnide, d’expliquer si mal ce que ce chevalier a dit, car je m’asseure qu’il a plus de soin de nous que vous ne dites. Mais s’il nous aime, comme je le croy, il ne faut pas trouver estrange qu’il se plaise de demeurer aupres de nous, sans compagnie, le plus long temps qu’il pourra. Et toutesfois il me semble fort à propos, quand nostre beau-frere reviendra, que vous luy disiez que je me porte mieux, et que, s’ils veulent venir danser céans, j’en seray bien aise, pourvu qu’il y ait le moins de gens qu’il se pourra et le moins d’instruments, et qu’apres avoir dansé le bal, que vous et vos compagnes avez appris on s’en aille en quelque autre lieu, car nous ferons mettre Alcidon dans ce petit cabinet qui est dans cette ruelle. Et moy, je ne tiendray que les rideaux de devant ouverts, et demeureray sur le lict, afin de leur montrer qu’il n’y a personne céans.

Ce conseil fut trouvé bon, et, pour me monstrer le lieu, elle prit une petite clef, et, sans se bouger de dessus le lict, elle ouvrit la porte, et faisant apporter la chandelle, me monstra le petit cabinet, où il n’y avoit place que pour deux petites chaires et une table. Le lieu estoit tout lambrissé et doré et si