Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/200

Cette page n’a pas encore été corrigée

le malheur a voulu que cette assemblée se soit ainsi rencontrée pour nous incommoder ? Mais tout cela encore est fort peu, au prix de ce que je vous vay dire. Considerez, Alcidon, quelle resolution a esté la mienne, de mettre mon honneur et vostre vie en un si grand hasard. Car vous permettre de me venir trouver en ce lieu, et à ces heures, n’est-ce pas mettre et l’un et l’autre en compromis ?

– Madame, luy dis-je en luy rebaisant la main, pour respondre en quelque sorte à l’extréme affection que j’ay pour vous, Amour et vous seriez bien injustes, si vous ne me donniez que des preuves ordinaires de vostre bonne volonté. J’advoue bien que celle-cy est par-dessus mon merite, mais confessez aussi qu’encore n’égale-t’elle point mon affection, puisque ce n’est seulement que se fier entre les mains de la fortune. Et mon affection est telle que la mort mesme, toute asseurée, ne me sçauroit divertir de vostre service. – Alcidon, me respondit-elle, Dieu vueille que, si la bonne volonté que vous avez pour moy est telle que vous dites, elle puisse continuer autant que ma vie. Mais je crains fort que ce ne soit l’amour d’un jeune cœur, ou, pour mieux dire, que ce ne soit ou la sœur ou le frere de celle que j’ay desjà veue en vous. – Madame, luy dis-je, les doutes entrent ordinairement dans les ames de ceux qui ne sont pas bien affermis en la créance qu’ils ont, et ceux que je vois maintenant en vous me tesmoignent ce que je