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de logis où estoit la bien-heureuse demeure de ma maistresse, et, trouvant une petite porte ouverte, nous montasmes par un escalier fort estroit jusqu’à la porte de la chambre, avec le moindre bruit qu’il nous fut possible. Et lors Delie, me faisant arrester, entra seule dedans pour voir qui y estoit. Mais elle trouva qu’il n’y avoit que la belle Daphnide qui, feignant d’avoir mal à la teste, s’estoit mise sur un lict pour se demesler de tant de gens, et, pour mieux feindre, n’avoit rien laissé d’allumé dans la chambre qu’une petite bougie, faisant semblant de ne pouvoir souffrir la clarté. Elle retourne incontinent me querir, et me prenant par la main, me meine dans la ruelle du lict de sa sœur, en luy disant : Voyez Daphnide, ce que Diane a pris en sa derniere chasse. – J’avoue, dis-je en sousriant, que je serois vostre, si un cœur pouvoit estre à deux. Mais estant desja à ma belle maistresse, c’est à elle à qui je me viens rendre, avec protestation de ne vouloir jamais sortir d’une si belle prison. – C’est en quoy, dit Delie, vous monstrez avoir peu de jugement, aimant mieux vous rendre à une nymphe, comme est ceste Daphnide, qu’à une déesse, telle que je suis, et mesme à une Diane, qui est la maistresse de toutes les nymphes. – Jupiter, Apollon et presque tous les autres dieux, luy dis-je, ont ordinairement mesprisé l’amour des déesses pour suivre celle des nymphes et si jamais il n’y en