Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/193

Cette page n’a pas encore été corrigée

il pas dire que ce seroit le plus bel astre de tous ? – Je l’avoue, respondit Delie, mais que voulez-vous entendre par là ? – Je veux dire, repris-je, que de mesme la belle Diane, à qui je parle, seroit la plus belle du monde, si elle n’avoit point de sœur, et qu’il n’y a que cela qui l’empesche d’emporter ce tiltre par-dessus toutes les plus belles dames. – Si j’avois, dit-elle, une créance aussi facile à vous adjouster foy, que j’ay d’ambition d’estre cette belle de qui vous parlez, je vous promets, dit-elle, chevalier, par cet arc et par ces fleches, que si je ne pouvois la tuer de ma main, pour le moins je l’empoisonnerois, ceste sœur qui m’empesche ce prix de beauté. Mais j’ay grand peur que, si je m’en estois privée, il ne m’advint puis aprés comme à la lune quand elle ne peut plus voir son frere, qui devient obscure et laide. Je veux dire qu’aussi ma sœur n’estant plus auprés de moy je perdrois toute la beauté que j’ay pour vos yeux, qui à ce que je vois ne me trouvent belle que d’autant que je suis accompagnée de ceste sœur.

Je voulois luy respondre, mais le flambeau tant desiré parut en fin à la fenestre, et mon affection, qui m’y faisoit ordinairement tenir les yeux, ne me permit pas de perdre le temps à luy respondre, pour ne m’esloigner davantage le contentement d’estre auprés de ma belle maistresse. Montrant donc le signal à Delie, je la suppliay de parachever