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bouge d’auprés d’elle. Mais, pour peu que soyez honneste homme, vous ne vous ennuyerez point en ma compagnie, car il y en a plusieurs qui m’ont asseuré que, quand je voulois, elle n’estoit point trop desagreable. Et je suis en humeur de traicter avec vous de telle sorte que, ce que vous ne voudrez pas faire de bonne volonté, je le vous feray faire de force. Je yeux dire qu’en despit que vous en ayez, je vous veux empescher de vous ennuyer. – II faut confesser encore un coup, luy dis-je, qu’il est impossible d’avoir un cœur, et ne vous point aimer. Car, belle Delie, il y a en vous tant de perfection que, de quelque costé qu’on vous regarde, on y rencontre de tres-grands sujets d’amour. – Vous pensez tousjours, me dit-elle, eschapper de mes mains avec ceste excuse ; mais, avant que nous nous separions, je vous en feray bien trouver un. Et si cela advient, que direz-vous, Alcidon ? – Je diray, repliquay-je que vous faites des miracles, ce qui ne doit point estre trouvé estrange, puisque, votre beauté égalant la puissance des plus, grands dieux, il vous doit estre aussi bien permis d’en faire qu’à eux. Mais me permettez-vous de parler librement ? – Je vous en supplie, me dit-elle, car vous voyez bien comme je fais. – Je diray donc, continuay-je, belle Diane, qu’il est vray que la lune est le plus beau flambeau qui reluise maintenant au ciel (et de fortune alors la lune esclairoit), et s’il n’y avoit point de soleil, ne faudroit-