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fortune et quel votre courage. Cependant ne laissez d’entrer céans, ô vaillant chevalier, mais aux conditions de ceux qui ont accoustumé d’y entrer. – Et quelles sont-elles ? luy dis-je. – Vous les sçaurez, me respondit-elle, quand vous y serez. –Et quoy, luy dis-je, faictes-vous difficulté de les declarer de peur de m’estonner ? Vous vous trompez, belle Diane, car je la veux esprouver à quelque condition que ce puisse estre, pourveu qu’il n’y en ait point qui contrarie à l’affection que j’ay vouée à ma maistresse. A ce mot, j’entray dedans tout seul, et elle referma la porte, et celuy qui m’avoit conduit retourna dans les rochers de Vaucluse.

Me voilà donc tout seul avec Delie dans ce jardin et faut que j’advoue qu’elle s’estoit tellement advantagée par ce bijarre habit, qu’elle se pouvoit dire fort belle et qu’un cœur qui n’eust point esté préoccupé eust trouvé assez de sujets en elle pour bien aimer. Et parce qu’elle vid que je demeurois muet à la considérer, pensant que ce fust d’impatience de n’aller point assez promptement vers la belle Daphnide, elle me dit en sousriant : Et quoy ! Don Chevalier, avez-vous eu tant de hardiesse à l’entrée de ce lieu, pour monstrer si peu de courage maintenant à parachever cette advanture ? – Et quel deffaut, belle Diane, luy dis-je, remarquez-vous en mon courage, pour me le reprocher ? Que faut-il que je fasse et contre qui me faut-il esprouver, pour monstrer ma valeur ? – Comment, respondit-