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les huict ou neuf heures du soir, à I’entrée du jardin de ceste maison, où, quoy qu’on m’eust promis que je trouverois la porte ouverte, elle estoit toutesfois fermée, et encore demeura longtemps à s’ouvrir depuis que nous eusmes fait le signal.

Jugez, sage Adamas, quelles pensées, en ce temps-là, me pouvoient passer par l’esprit, et si, quelque temps aprés que j’ouys mettre la clef dans la serrure, je n’avois point d’occasion de douter que Mars ne se presentast à cette porte au lieu de Venus. Toutesfois Amour, plus fort encore que toute autre passion, me faisoit resoudre à tous les pires evenemens qui me pouvoient menacer. En fin, estant en cette peine, la porte s’ouvre, et d’abord se presente à mes yeux une belle dame vestue comme on a accoustumé de peindre la déesse Diane : les cheveux espars, le sein et les espaules descouvertes, la manche retroussée par dessus le coude, les brodequins dorez en la jambe, le carquois sous l’aisselle et l’arc d’yvoire en la main gauche. Je fus ravy la voyant si belle, et estonné la trouvant en cet habit. Mais je sceus depuis qu’elle s’estoit ainsi déguisée en Diane, à cause de la conformité de son nom, parce qu’elle se nommoit Delie, qui est l’un des noms de Diane, et pour danser ce soir avec ses sœurs et d’autres jeunes dames qui estoient venues pour honorer ceste grande assemblée.

D’abord qu’elle me vid : Entrez, me dit-elle, me prenant par la main, entrez, chevalier, et venez esprouver cette perilleuse advanture sous la conduite de Diane. Je luy respondis : Sous la faveur