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laquelle, du costé d’orient, s’estend une vallée, qui, pour estre close de trois costez par des hautes colines et de grands rochers, fut au commencement appelée Val-Close, et enfin, par corruption du langage, duquel le vulgaire ignorant est tousjours le maistre, elle fut nommée Vaucluse. Du bout de cette valée, et sous les pieds de certains grands et espouventables rochers, sourd une fontaine merveilleuse qui donne commencement à la riviere de Sorgues, qui, fort peu loing de là, se separant en deux bras, faict comme une petite isle où est située la maison où je devois aller, et qui, pour estre assise entre ces deux ruisseaux, et environnée de leurs claires ondes, a pris le nom de l’Isle. Le lieu d’où ceste fontaine sort est, à la verité, pour sa solitude, en quelque sorte venerable, mais un peu horrible, pour les rochers qui y sont tout à l’entour, et pour ce, fort peu frequenté des personnes. Et ce fut là où ma guide me fit mettre pied à terre et laisser tous ceux qui estoient venus avec moy, qui le firent avec un grand regret, et par mon commandement. De cette source jusques à l’Isle, il y a un peu plus d’un quart de lieue, traicte que je fis avec d’autant plus d’incommodité que je marchois à pied et de nuict, et avec des doutes et des incertitudes si grandes qu’Amour faisoit bien paroistre en moy que, non seulement il est aveugle, mais qu’encores il oste la veue à tous ceux qui sont à luy. En fin nous parvinsmes, sur