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heure de sa veue, pourveu qu’elle me le commandast ; que seulement je la suppliois de me faire guider, et de donner ordre que, quand je serois dans le logis, je ne fusse veu de personne. Car je m’asseurois que, sous son favorable commandement, il n’y auroit rien qui me peust nuire.

Avec cette resolution, nous nous separasmes, et, le matin, m’ayant laissé un des siens qui luy estoit tres-fidelle, elle partit sans que j’eusse l’honneur de la voir, expres pour oster tout soupçon à notre hostesse, et pour avoir plus de loisir à pourvoir à ma seureté. Quant à moy, je partis sur les trois heures du soir avec ma guide, apres avoir fait les remerciements à mon hostesse, ausquels sa courtoisie m’avoit obligé. Je ne raconteray point icy la fortune que je courus par les diverses rencontres que nous fismes, parce qu’Amour me garantit de tout mal, monstrant assez par là qu’il commande aussi bien au dieu Mars qu’à tous les autres.

Le lieu où je fus conduit estoit bien l’un des plus solitaires de toute cette contrée, et tel qu’il falloit veritablement pour cacher les entreprises d’un amant. Le long de ce grand fleuve du Rosne, on trouve un grand nombre de belles villes qui semblent prendre plaisir de se mirer dans ses ondes, et de contraindre, en plusieurs endroits, la furie de sa course. Mais l’une des plus belles et des mieux peuplées, c’est Avignon, à cinq ou six lieues de