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foy, que vous luy demandastes, de vous aimer autant qu’elle vivroit. C’est celle-là de qui vous avez si souvent mouillé la main de vos larmes encores innocentes, lors qu’elle faisoit semblant de ne vous croire pas, ou qu’elle estoit un peu lente à vous respondre avec d’aussi grandes asseurances de bonne volonté que celle que vos paroles lui donnoient. Mais elle se peut bien dire aussi, à vostre confusion, qu’elle est la seule qui a sceu conserver sans tache la foy qu’elle vous avoit donnée, puis qu’encore qu’elle ait eu tant d’occasions de vous laisser, que dis-je ? laisser, mais de vous hayr, elle a toutesfois tousjours continué de vous aimer, et de cherir en son ame les agreables asseurances que vous luy aviez données. Et quoy qu’elle ayt eu tant de subject de se desabuser, jamais son cœur n’y a peu consentir, ayant resolu de plustost quitter la vie, que les gages si chers que vous luy aviez donnés de vostre amitié. Ces yeux, qui ont esté si souvent idolatrez par le jeune Alcidon ; sont tesmoins qu’encores qu’ils en ayent esté privez si longuement, ils n’ont jamais veu tarir la source de leurs larmes, quand je me suis si souvent ressouvenue de nostre enfance et de vos jeunes promesses, que je voyois si trompeuses, lors qu’en tant d’années, ou plustost de siecles, vous n’avez pas eu memoire d’une personne à qui vous aviez promis un eternel souvenir Oyez, Alcidon,