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tellement rasseuré, qu’apres les avoir saluées, je peus dissimuler mon émotion, et lors, m’adressant à celle qui d’abord avoit repris sur mon ame toute l’autorité qu’elle y souloit avoir, et plus grande encore, je luy dis : Madame, puisque la fortune l’a voulu ainsi, j’advoue que je suis votre prisonnier. – Seigneur chevalier, me respondit-elle fort haut, nous ne refusons point cet advantage sur vous. Mais nous aimerions mieux que nostre merite nous l’eust acquis que nostre fortune. – Vostre merite, repliquay-je, vous en peut donner de beaucoup plus grands, et la fortune vous donne celuy-cy, comme estant trop peu de chose pour vostre merite. – Si ay-je cru autrefois le contraire, dit-elle d’une voix plus basse, lors que vous me faisiez ces mesmes asseurances, mais avec des paroles qui monstroient plus de sincerité que celles dont vous usez maintenant. – En ce temps-là, respondis-je, la presomption de la jeunesse me persuadoit ce que je vous disois. Mais maintenant que j’ay plus de connaissance de ce que je vois, j’en parle aussi avec plus de verité. Que si toutesfois vous voulez qu’il soit ainsi, il faut dire que justement la fortune vous redonne ce qui estoit desjà à vous. – Cela, adjousta-t’elle en sousriant, n’est pas sans difficulté. Cependant, pensez de quelle sorte vous payerez votre rançon pour sortir de nos mains. Car il ne faut point que vous esperiez d’avoir liberté par autre moyen. –