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cela arrivoit, outre la fortune que je courrois, encore ferois-je un fort mauvais service au roy mon maistre, qui pretend faire un grand effect sur ses ennemis par ce moyen.

Elle respondit alors que je n’eusse point de crainte de cela, tant parce que Daphnide, à sa priere, le tiendroit secret, que parce que son pere, comme je sçavois, estoit si affectionné serviteur du roy qu’elle n’avoit garde d’y faillir. Moy, qui mourois d’envie de la voir, je feignois toutesfois de me laisser emporter à cette persuasion et en fin, je luy dis : Je suis tant serviteur de toutes les dames que je ne me puis imaginer qu’il y en ait une seule qui me vueille faire mal. Et puis, estant si belle que vous me dites, je ne croiroy jamais qu’il m’en puisse advenir un plus grand que de ne la voir point. A ce mot, on vid que le chariot prenoit le chemin de la porte, qui nous assura que c’estoit elle. Et la maistresse du logis, toute resjouye de si belles hostesses, me prenant par la main, me dit : Ne vous plaist-il pas que nous l’allions recevoir ? – Allons, luy dis-je en sousriant, allons nous remettre entre ses mains. Peut-estre que cette soubmission nous garantira mieux que la resistance, puisque c’est ainsi que les ames genereuses sont surmontées plus aisément.

Avec semblables discours, nous donnasmes presque le loisir à ces belles dames d’entrer dans la basse-cour du chasteau, où la maistresse du logis les alla recevoir et leur disoit à