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les chemins de cette contrée, y ayant esté eslevé et nourry. Et afin d’obeyr à ce que le roy m’avoit commandé, je ne pris avec luy que deux autres chevaliers, et ainsi tous quatre, bien montez, nous nous mettons en chemin une heure apres disner, et, sans estre recognus de personne, car nous avions pris d’autres habits, nous commençons nostre voyage sous la faveur d’Amour, qui fut bien telle, qu’apres avoir marché le reste du jour et toute la nuict suivante, sur le lever du soleil, nous arrivasmes à Lers, où la maistresse du logis me receut avec tant de courtoisie que je creus au commencement qu’elle fust avertie du dessein qui me conduisoit. Mais, peu apres, je recogneus qu’elle n’en sçavoit rien, et que toute la bonne chere qu’elle me faisoit ne procedoit que de l’amitié qu’elle scavoit que son mary me portoit, car elle montra une trop grande curiosité de descouvrir le sujet de mon voyage. Cela fut cause que, pour le cacher mieux, je luy fis entendre que je marchois pour une affaire de tres-grande importance au service du roy, et que, n’osant aller de jour, de peur d’estre recogneu, je la suppliois de ne vouloir point dire mon nom et de commander que la porte du chasteau se tinst tousjours bien fermée, et que, la nuict estant venue, je partirois le plus secrettement qu’il me seroit possible. Elle, comme tres-advisée et tres-desireuse que le roy, avec lequel son mary estoit, fust