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armée sans son congé, je pris le temps qu’il estoit seul en son cabinet, où apres un petit sousris :

Seigneur, luy dis-je, trouverez-vous bon que je propose une entreprise que j’ai extremement à cœur, et qu’ensemble je vous supplie de me permettre de l’executer ? – Alcidon, me respondit-il, vostre courage vous porte tousjours à ce qui est le plus dangereux, et je voudrois bien que vous fussiez meilleur mesnager de vous-mesme que vous ne l’avez pas esté jusqu’icy. Car, encore que la fortune se fasse paroistre amie en quelques occasions, si est-ce qu’une personne prudente ne doit pas la tenter si souvent qu’il l’ennuye ou luy donne sujet de luy monstrer l’inconstance de son humeur. Toutesfois, dites-moy quelle est cette entreprise ? Et d’autant que j’ay plus d’experience que vous, s’il y a apparence qu’elle se puisse faire, je le vous diray, ou bien je vous enseigneray comme elle devra estre disposée. – Seigneur, luy repliquay-je en sousriant, si c’estoit de Mars que cette entreprise despendist, je croirois bien recevoir de vous, en vous la proposant, l’instruction qu’il vous plaist me promettre ; mais ne voulant en ce dessein qu’amour pour guide, amour, dis-je, qui est aveugle, et enfant, il n’y a pas d’apparence d’y demander l’ayde de votre prudence ny experience.

Le roy, alors, en m’embrassant : Ny mesme en cela, dit-il, Alcidon, mes avis ne vous seront point inutiles,