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Lorsque Thierry mourut, il laissa sa couronne, comme cette belle dame vous a desja dit, à son frere Euric, prince qui, pour ses grandes et vertueuses actions, acquit, par le consentement de chacun, le titre et le surnom de grand, et qui sembloit avoir esté conservé par le Genie de la Gaule parmi tant de dangers, comme le seul des hommes capable de luy rendre et sa splendeur, et son repos. Or ce prince ne succeda pas seulement à la couronne de ses freres, mais aussi à leurs desseins et volontez, de sorte qu’il me prit en la mesme affection que Torrismond m’avoit fait paroistre, evenement qui est assez rare aux changemens des princes, de qui les successeurs peu souvent affectionnent ceux que leurs devanciers ont aimés. Toutesfois, plus pour mon bonheur que pour mon merite, j’eus cette fortune que, comme j’avois esté eslevé par Torrismond et maintenu par Thierry, je fus chery et favorisé du grand Euric, non plus comme enfant, mais comme homme en aage de luy pouvoir rendre le service auquel ses predecesseurs m’avoient obligé. Et la bonne volonté de ce grand roy m’avoit tellement rendu familier aupres de sa personne, qu’il y avoit fort peu de choses que je lui peusse celer, et moins ce qui estoit de l’amour que toute autre, parce que ce prince, encor qu’il fust grand en tout, surpassoit toutesfois tous ceux de son aage en courtoisie et en amour. Cette fois, ne pouvant ny ne devant esloigner son