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du roi Euric ; mais qu’il y vînt le plus secretement qu’il pourroit, parce que si on sçavoit qu’il y fust, outre la fortune qu’il courroit, pour estre dans le pays de ses plus grands ennemis, encore ne me seroit-il pas possible d’y aller, pour ne donner sujet aux envieux de médire.

A ce mot, la belle Daphnide se teut pour quelque temps, et comme si elle eut pensé à ce qu’elle avoit encore à dire, elle passa la main deux ou trois fois sur son front. En fin, relevant le, visage, et se tournant vers Alcidon : Je voulois continuer, luy dit-elle, mais il est plus à propos que, tout ainsi que j’ay dit ce qui me touche, vous racontiez aussi ce que vous avez fait, afin que : le sage Adamas oyant par nos bouches mesmes ce qui est arrivé à chacun de nous, il puisse estre mieux asseuré de la verité.

Alcidon alors respondit : Vous me commanderez tout ce qu’il, vous plaira, madame, et moy j’obeiray tousjours à ce que vous m’ordonnerez plus promptement et plus librement qu’il ne vous plaira pas de me le faire sçavoir. Mais il me semble que vous blessez beaucoup la prudhommie de ce grand druide quand vous dites qu’il aura plus de creance à mes paroles, quand je parleray de ce qui me touche, qu’aux vostres, estant tres-certain que vous sçavez mieux ce que je fais, et que je pense que moy-mesme ; que je ne fais ny ne pense rien que par vous. Et cela est si vray, que si vous aviez