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la mort de Torrismond, il s’estoit retiré dans une place forte qu’il avoit dans l’Aquitaine, la charge qu’il en avoit et son aage le luy commandant ainsi, car il avoit plus de deux siecles. Ma mere, qui avoit redouté la guerre, pensant la fuyr, s’en estoit venue dans cette province des Romains, et ce fut là où depuis elle fut la plus forte. Il est vrai que, quand elle vid venir l’armée du grand Euric, elle se retira dans les extremitez du Venaissin, le long de la riviere de Sorgues, où elle avait une maison assez bonne, et une de ses sœurs mariée, à quatre ou cinq lieues de là, avec un chevalier des principaux de la contrée.

Lors que je receus les nouvelles d’Alcidon, l’indisposition de ma mere me donna commodité de pouvoir disposer plus librement de moy-mesme, car son mal procedant de son long aage, et non point d’autre maladie violente à laquelle les remedes puissent apporter guerison, elle estoit bien aise que je me divertisse et passasse mon temps, tantost à me promener le long de la riviere et tantost à visiter mes voisines, dont la pluspart estoient de mes parentes ou alliées. Je manday donc de bouche à Alcidon, par celuy qui m’apporta sa lettre, que s’il se trouvoit à Lers, qui est un chasteau situé sur le Rosne, le quatriesme de la lune suivante,je le verrois, et que je choisissois ce lieu-là, parce que je sçavois bien que le maistre du logis estoit de ses amis et serviteur