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ce long silence que je ne sçaurois de quel nom appeller, ne me pouvant figurer que ce pust estre mespris, me semblant que je valois trop pour estre mesprisée. Tant y a que, pensant plus souvent en luy qu’il n’avoit pas fait en moy, j’avois cent et cent autres fois juré de ne me soucier plus de luy, et que, quand il reviendroit à moy avec toutes les soubmissions qui peuvent estre imaginées, je ne le regarderois jamais autrement que d’un œil indifferent. Et je ne nieray pas toutesfois que ceste perte ne me touchast l’ame de quelque desplaisir, lors principalement que nos enfances me revenoient en la memoire, et que je tournois les yeux sur le souvenir qui m’estoit resté de ses merites et de ses perfections, De sorte que, quand je receus ses lettres, je demeuray irresolue, si je devois les lire ou les renvoyer cachetées. En fin, il le faut confesser, l’amour surmonta le dépit ; car, je l’advoue, je l’avois aimé et ne m’estois peu encore si bien retirer de ceste affection, que je n’y fusse assez engagée pour me convier à sçavoir de ses nouvelles, et quel estat je pouvois faire de luy. Je rompis donc le cachet, et leus telles paroles :