des courses de bagues, des joustes et des tournois, il advint que, bientost apres qu’Alcidon eut reçu ce commandement, le bal se tint en la presence de Torrismond et de la royne. On avoit de coustume de se parer quand le bal se tenoit. De fortune, ce jour-là, comme si c’eust esté à dessein, luy et moy nous nous trouvasmes vestus de blanc. Et parce qu’il desiroit faire cognoistre au roy, combien il vouloit obeyr à ses commandemens, lors que le grand bal commença, il me vint prendre ; de quoy le roy s’apperceut, et remarquant que la jeunesse de l’un et de l’autre ne nous permettoit pas la hardiesse d’oser parler l’un à l’autre, il s’en prit à rire et dit à ceux qui estoient autour de lui : Je ne sçay qui a assemblé ce couple, mais si c’est la Fortune, elle montre en cela qu’elle n’est pas tant aveugle qu’on la dit ; car je ne croy pas qu’il s’en puisse faire plus à propos. Ils sont aussi innocents que leurs habits le monstrent, et’je m’asseure qu’ils n’ont pas eu encore seulement la hardiesse de se dire un mot.
Et il advint comme le roy le disoit, car le jeune Alcidon (fust par honte ou par quelque estincelle d’amour qui, commençant de s’espandre en son ame, le retint en ce respect), laissa passer tout le soir sans parler à moy qui, de mon costé, estant encore sans dessein, ne l’y conviay point, mettant tout mon estude à estaler aux yeux de chacun les beautez que plusieurs,