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accomplis qu’il luy seroit possible. Et il sembla que le Ciel, en mesme temps, se pleut d’ayder et favoriser cette volonté, car jamais Ataulfe ny Wailla, ses predecesseurs, ni mesme le grand Thierry, son pere, n’avoit eu tant d’accomplis chevaliers, ny tant de belles et sages dames que ce grand et genereux roy. Ma fortune voulut qu’en ce temps-là je fus menée à la Cour par ma mere, qui y estoit retenue par les charges que mon pere y avoit. Je ne pouvois avoir alors que quinze ou seize ans, mais j’advoueray bien que je ne cedois à autre de mon aage en la bonne opinion de moy-mesme, fust pour l’asseurance de ma beauté (que la flatterie des hommes qui m’approchoient m’avoit donnée), fust pour l’amour que chacun porte à soy-mesme (qui me faisoit juger toutes choses plus parfaites en moy qu’aux autres). Tant y a qu’il me sembloit que j’attirois les cœurs aussi bien que les yeux de tous ceux qui estoient en la Cour. Le roy mesme, qui estoit l’un des plus accomplis princes qui eust jamais esté entre les Visigots, n’avoit point desagreable de me voir et de me caresser, mais d’autant qu’il n’y avoit point de conformité en nos aages, il se retira de moy, considerant bien que cette amour estoit plus propre et convenable à un plus jeune qu’il n’estoit pas.

En ce mesme temps, Alcidon estoit aupres de luy, et je puis dire sans le flatter, encore qu’il soit