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Alexis vouloit respondre, et peut-estre fussent-elles entrées bien avant en discours, si la jalousie de Hylas ne les en eust empeschées ; mais, tout effrontément, ne pouvant plus supporter cette longue conference entre ces deux amans, il se vint mettre à genoux devant Alexis, et luy prenant une main, la luy baisa avant qu’elle s’en fut pris garde, tant elle estoit attentive à son discours. S’en estant en fin apperceue, elle retira sa main, et luy dit : Et quoy, mon serviteur, ces belles bergeres de Lignon, ont-elles accoustumé de vous permettre ces familiaritez ? Les vierges druides, d’où je viens, trouveroient cela fort estrange. – Ma maistresse, dit Hylas, tout ainsi que je ne me conduits pas selon les incivilitez de ces bergeres dont vous parlez, aussi ne devez-vous suivre les austeritez de ces druides, autrement ny vous, ny moy n’en recevrons pas beaucoup de contentement. – Je ne sçay, dit Alexis, ce que vous voulez dire, si sçay bien qu’il vous faudra avoir de fortes raisons, pour m’empescher de suivre les exemples des sainctes vierges, parmy lesquelles j’ay esté si longuement nourrie. – Je croy bien, dit froidement Hylas, ce que vous dites, mais vous devez aussi penser qu’il ne vous faut pas de moindres persuasions pour me faire changer de naturel. – Je serois bien marrie, respondit Alexis, de vous contraindre d’en changer, car je vous veux bien tel que vous estes ;