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contentement d’estre aux bonne graces de toutes celles qui vous ressemblent, et particulieremer de vous, de qui j’ay desiré il y a long-temps la cognoissance, et vous asseure que ce desir me fit laisser mes compagnes avec moins de desplaisir, quand je sceus que je verrois Astrée. – Madame, respondit la bergere, cette faveur en toute façon est extréme ; car si vous en avez eu la volonté, si esloignée de nous, ce bon-heur ne peut estre mesuré, et si c’est seulement pour nous obliger que vous le dites, ne sommes-nous pas bien-heureuses que cette pensée ait esté en vous ? Mais je diray bien avec verité que la nouvelle de vostre venue remplit toute cette contrée, et de tristesse et de joye : de tristesse, oyant dire vostre maladie et de joye, nous asseurant de recevoir cest honneur de vous veoir. – Et toutesfois, dit Alexis, belle bergere, vous avez tant retardé de venir icy, que si autre que vous me le disoit, je ne le croyrois pas. Mais pour changer de discours, dites-moy, je vous supplie à quoi passez-vous ordinairement le temps ? car on m’a faict entendre que la plus heureuse vie du monde, est celle des bergers et bergeres de Forests. – Elle est, dit Astrée, veritablement heureuse pour ceux qui n’ont point esté plus aymez de la fortune, car vous sçavez, Madame, que ceux qui ont esté heureux, quand ils perdent une