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dire estre en moy, y fussent aussi veritablement que tous ceux qui vous voyent les recognoissent en vous, afin que je fusse en quelque sorte aussi digne de servir nostre grand Tautates, que d’affection je dedie le reste de mes jours à son Service ! Je ne rougirois pas, belle bergere, de vous ouyr tenir ce langage, qui me reproche plustost ce qui me deffaut, qu’il me represente ce que je suis. – Je serois marrie reprit Astrée, que vous eussiez si mauvaise opinion de moy, qu de croire que je ne sçache recognoistre en quelque sorte les perfections qui sont en vous ; car encore que le Ciel m’ait faict naistre bergere, et ne m’ait donné guere plus d’esprit qu’il en faut pour vivre parmy les bois, si est-ce que, comme la clarté du Soleil est veue par tous les yeux ausquels elle esclaire, quoy que plus ou moins, selon qu’ils en sont capables, de mesme m’est-il permis de voir vos perfections et en recognoistre assez pour les admirer, quoi que j’advoue que plusieurs autres à qui Tautates aura donné plus de jugement les remarqueront mieux, mais ne les sçauroient estimer d’avantage que je fais. – Je ne contrediray jamais, repliqua Alexis, à un si favorable jugement ; mais je prieray seulement Dieu que quand vous m’aurez mieux cogneue, vous ne le revoquiez point ; car encores que mon dessein, ny ma profession ne me doive pas laisser en ce lieu fort longuement, si est-ce qu ce me sera tousjours un extréme