Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

dont les nourrisses endorment leurs enfants. Mais, Silvandre mon amy, contre la mauvaise fortune il faut avoir bon cœur, et cependant nous contenter de dire que ce siecle est fort depravé, que les faveurs ne suivent jamais les merites, et que quelque jour la Fortune cessera de nous persecuter.

Hylas parloit de ceste sorte à Silvandre, parce que Leonide, pour favoriser Paris, avoit mis Diane au milieu, de sorte que Silvandre ne pouvant s’en approcher, avoit esté contraint de se mettre entre Celidée et Florice, ce qui estant recogneu de chacun, fust cause qu’ils se mirent tous à rire de cette responce, et Phillis particulierement qui dit : II faut advouer, Silvandre, qu’à ce coup il vous est advenu comme à celuy qui veut separer deux personnes qui ont l’espée en la main, et qui se mettant au milieu en demeure blessé, encore qu’il n’ayt point de querelle. – Si vous n’aviez point, respondit Silvandre, esprouvé bien souvent que les armes d’Hylas n’ont ny pointe, ny tranchant, je ne m’estonnerois pas tant que je fais de ce que vous dites ; mais, bergere, l’ayant cessé tant de fois, je ne sçay comment vous pouvez avoir ceste opinion. – Ne vous en estonnez, dict la bergere, car il a changé d’armes, maintenant il ne combat pas sous les siennes, et celles dont il vous a blessé, sont empruntées d’une personne qui a accoustumé