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rendus, et au roy son pere, ont quelque pouvoir envers luy, qu’il trouve bon que vous luy disiez de ma part, que s’il ne delaisse la vie honteuse qu’il a faite depuis qu’il est roy, il doit attendre un tres-aspre chastiment du Ciel. Et vous, Lindamor, aussi-tost que la mort m’aura clos les yeux, si pour le moins vos blesseures le vous permettent, r’amenez tous ces chevaliers Segusiens en leur pays, et les rendez de ma part à la Nymphe ma mere, à laquelle je vous conjure par l’amitié que je vous ay portée, de continuer le service que vous avez commencé, et luy dites que je la supplie de ne se point affliger de ma perte, puis que le Ciel l’a ainsi voulu, et que les humains sont entierement en sa disposition. Qu’elle se console en ce que le peu de temps que j’ay vescu, je pense avoir tousjours faict les actions d’un homme de bien, et que je vais attendre l’autre vie avec ceste satisfaction, que je croys avoir passé celle-cy sans reproche. Dites aussi à ma chere sœur, que si j’ay quelque regret de mourir si tost, c’est plus pour n’avoir plus le bien de la voir, que pour autre chose, que je laisse parmy les hommes.

Et lors nous faisant tous appeller, et nous voyant la plus part tout autour de son lict les larmes aux yeux, il nous tendit, quoy qu’avec peine, la main à tous, et apres