Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1223

Cette page n’a pas encore été corrigée

dehors encore qu’il n’y ait pas long-temps ; toutesfois j’ay tant de choses à vous raconter, que je ne sçay par lesquelles je commenceray. Ce n’a point esté sans raison (et faut croire que le Grand Tautates vous en donné la pensée), si vous avez eu crainte de Childeric, estant un miracle que vous ayez eschappé de ses inhumaines mains, parce que veritablement il est venu avec la plus grande insolence dans vostre logis que jamais l’on ait ouy dire. Sçachez, madame, que quand je suis arrivé à la porte de la ville, j’ay esté tout estonné de la voir à moitié fermée, si bien que pour peu que j’eusse retardé d’avantage, il m’eust esté impossible d’y pouvoir entrer. Quantité des notables y estoient accourus avec les armes, et avec un si grand tumulte qu’incontinent les chaisnes se sont trouvées tendues et garnies des hommes du quartier. Je suis enfin avec beaucoup de peine parvenu en vostre logis, où j’ay trouvé la plus grande rumeur, et la plus grande foule du peuple, et des solduriers, et des gens de la garde de ce tyran, et qui en armes les uns contre les autres se presentoient furieusement les piques, avec contenance de venir bientost aux mains. Cependant l’on entendoit de grands cris dans nos deux logis, et plusieurs disoient que c’estoit Silviane, que Childeric vouloit des-honorer, et que pour en avoir