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peine de son mary, et Silviane aussi, fort desireuse de sçavoir ce qu’auroit fait Childeric, quand il ne l’auroit pas trouvée, luy commanderent d’aller dans la ville pour leur en rapporter des nouvelles. Ce jeune homme incontinent s’y en alla, et de fortune entra dans la ville au mesme temps que l’on en vouloit fermer les portes, laissant ces deux dames si estonnées de se voir seules en lieu escarté et en cet habit desguisé, que la plus asseurée trembloit de crainte et de frayeur.

Toutesfois l’extreme affection de Silviane envers Andrimarte, parmy toutes ses peurs et ses estonnemens, eut bien encor assez de force pour la faire resouvenir du peril qu’elle avoit prevu pour luy à son retour ; et si elle eust sceu le chemin, il est certain qu’elle n’eust pas attendu ce jeune homme, mais dés l’heure mesme s’y en fust allée, tant que les chevaux eussent peu marcher, dequoy elle se plaignit grandement avec cette bonne femme, qui jugea bien estre necessaire de luy en donner advis, mais qui cognoissoit bien aussi que d’y aller sans guide, c’estoit perdre le temps. Et pour ce, la consolant au mieux qu’elle pouvoit, la supplia de ne vouloir rien precipiter, que le Ciel avoit si bien conduit leur dessein jusques-là, qu’il ne leur seroit non plus avare de ses faveurs à l’advenir.