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moins il en a fait le semblant, durant que le roy son pere a vescu. Il m’a tenu des langages que je n’ay jamais voulu vous redire, et que je vous supplie ne me point commander de vous faire sçavoir, tant y a, qu’il m’a bien fait paroistre, et qu’il n’avoit pas beaucoup de memoire des services que vous avez rendus, et à luy, et à Merovée, et que s’il eust eu en ce temps-là l’authorité qu’il a maintenant, jamais nostre mariage n’eust eu une si heureuse conclusion que le Ciel nous a voulu donner ; depuis, vous avez veu quelle sorte de vie il a faite, à quelles violences il ne s’est point laissé aller, et par là vous pouvez prevoir ce que nous en devons esperer ; quant à moy, je vous diray que je crains infiniment cet homme. Il a aussi les deux conditions qui sont à craindre en une personne ; c’est à sçavoir, la volonté mauvaise, et la puissance entiere et absolue. Vous pouvez juger quel sujet il a de vous envoyer vers la royne si hastivement que s’il n’est bien vraysemblable, je penserois que vostre commission n’a point esté donnée avec le bon dessein. L’on dit que les femmes sont ordinairement soupçonneuses, et m’oyant tenir ce langage, vous ne perdrez pas ceste opinion, mais, mon fils, considerez si c’est avec raison que je la suis, et si ce n’est point une extreme affection que je vous porte, qui m’en fait parler ainsi, et vous servant de vostre