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Mais dites-vous, recompensez-le à vos despens, et non pas à ceux de Semnon, qui garde ceste fille pour le support de sa vieillesse, et pour le soulagement de son dernier aage. Au contraire, que ce soit à ses despens, ce seroit veritablement à son dommage, si je refusois pour sa petite fille un party si convenable, et si avantageux. Car y a-t’il ny prince, ny grand roy qui ne creust avoir beaucoup gaigné de s’estre acquis à tel prix un semblable gendre, et qui est capable non seulement de conserver un estat, mais d’acquerir cent royaumes par sa valeur, et par sa prudence ? Que peut desirer Semnon de plus advantageux sur ses vieux jours, que de voir Silviane entre les mains d’un vertueux chevalier, et son estat sous la garde d’un vaillant, prudent, et heureux capitaine ? Souvenez-vous, Childeric, que je dois non seulement ceste gratification à Andrimarte, pour les services qu’il m’a faicts, mais je dois ce gendre à Semnon, pour l’amitié et la fidelité qu’il m’a tousjours monstrée, et je sçay que vous-mesme le recognoissez bien ainsi, et que quand vous avez parlé à moy d’autre sorte, ce n’a pas esté Childeric qui a parlé, mais ceste folle passion qui le fera perdre et qui luy ostera enfin la couronne que je porte s’il ne change bientost et de conduite, et d’humeur.

Et pource, si vous me voulez plaire, vous quitterez non seulement ceste