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s’empescher d’ouyr tout ce qu’il voulut luy en dire, de peur que luy en faisant refus il ne se plaignist de la promptitude de laquelle elle avoit jetté son pourtraict dans le feu. Et depuis, continuant ceste recherche, il ne se passa occasion qu’il la luy peust tesmoigner sans luy en faire voir la grandeur. Et parce qu’il est bien mal-aisé que la violente passion d’amour se renferme dans les limites de la raison, et de la discretion, depuis que Childeric eut donné air à sa flamme, en la declarant à Silviane, elle s’accreut de sorte que, rompant bien souvent les bornes de la modestie, il advint qu’un jour la voyant chanter, il se trouva de sorte transporté de cette puissante amour, qu’encores qu’il la vid au milieu de ses compagnes, et qu’il y eust une fort grande assemblée et de dames, et de chevaliers, il ne se peut empescher de la prendre par la teste et de la baiser par force. Silviane n’ayant aucune bonne volonté pour Childeric, se sentit grandement offencée de ceste violence, et mesme voyant que c’estoit devant les yeux presque de toute la Cour, elle n’en fit pas une petite plainte, et d’autant plus qu’Andrimarte de fortune s’y estoit rencontré, auquel elle ne vouloit donner aucune opinion, que ceste recherche de Childeric peust alterer en quelque chose l’affection qu’elle luy avoit juré. Toutesfois ce jeune prince, mettant tout en risée, la voyant en colere, chanta sur ce suject