Page:Urfé - L’Astrée, Troisième partie, 1631.djvu/1163

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pas : c’est que vous pensez estre seule fille de vostre mere, et toutesfois vous avez une sœur. - Si je pensois, repondit-elle, seigneur, que ceste nouvelle fust vraye, je la tiendrois pour la meilleure que je puisse recevoir, et je vous aurois beaucoup d’obligation de la peine que vous daignez prendre de me la dire. - Vous avez raison, dit Childeric, d’en estre bien aise, car encore qu’elle ne soit pas si belle que vous, elle ne laisse de vous ressembler fort. Et afin que vous en puissiez juger, voyez-la, dit-il en luy monstrant le portraict qu’il avoit fait faire, et advouez que j’ay dit vray.

Soudain que Silviane jetta les yeux dessus, elle s’y recogneut, et à meme temps receut un tres-grand sursaut de se voir entre les mains d’autre que d’Andrimarte, luy semblant que ne voulant estre à personne qu’à luy, luy seul aussi en devoit avoir la ressemblance ; et tendant la main pour le prendre, feignant de le vouloir mieux considerer, il le luy donna, mais l’ayant un peu regardé, et ne sçachant de quelle sorte elle le luy pourroit oster entierement, sans considerer davantage ce qui en pourroit arriver, et se voyant prés de la cheminée, elle le jetta dans le feu, qui estant fort grand, et le pourtraict n’estant faict que du carton, l’eust plustost bruslé, que presque Childeric n’y eust pris garde. Mais elle ne l’eust