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deux amants, afin de faire perdre l’esperance à toutes les puissances du monde, d’en pouvoir jamais deslier ny rompre les chaisnes, et toutesfois cela n’empescha pas Childeric de continuer l’amour commencée, et de s’y laisser emporter de sorte, qu’il n’avoit ny contentement ny repos, que quand il estoit aupres d’elle. Au commencement, de peur que Merovée n’en fust adverty, il cacha le plus qu’il peut, cette passion, et cette consideration fut cause, que mesme il n’osa la desclarer par ses paroles à la belle Silviane, quoy que ses actions fussent si cogneues de chacun, que c’estoit une chose superflue que de dire ce que personne n’ignoroit plus.

En ce temps, d’autant qu’il n’avoit point un plus grand contentement que de la voir, il commanda à un peintre de la peindre sans qu’elle s’en prist garde, croyant bien que de sa volonté elle n’y consentiroit jamais. Et le peintre fut si diligent à satisfaire au desir de ce jeune prince, que la voyant par deux ou trois fois cependant que les sacrifices se faisoient, il la peignit si bien, que quand Childeric la vid, il la baisa plus de mille fois, et ne pensant pas que son heur fust entier, si Silviane ne sçavoit le thresor qu’il possedoit, la trouvant dans l’antichambre de la royne sa mere, il la tira à part, et luy dit : Belle Silviane, je vous apporte une nouvelle que peut-estre vous ne sçavez