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toutes les impressions d’Amour, qu’il imprima ces jeunes cœurs de tous les caracteres qu’il voulut ; si bien que depuis ce jour, ils allerent de sorte augmentant, que n’eust esté la longue et familiere nourriture qu’il avoient ensemble, et qui couvroit beaucoup des actions de leur amour, sous le voile de la courtoisie, et de leur ancienne cognoissance, plusieurs sans doute s’en fussent pris garde, mais ayans eu tant de familiarités estans petits enfans, personne ne trouvoit estrange les devoirs qu’ils se rendoient l’un à l’autre, mesme pouvant encore les couvrir sinon de l’enfance, pour le moins d’une bien tendre jeunesse qui estoit en eux.

Ils vesquirent ainsi pleins de contentemens, et de toutes les plus grandes satisfactions qu’ils pouvoient recevoir, attendant que par le consentement de leurs parens, ils peussent estre mariez, et ce bien leur continua jusques à ce que par mal-heur Childeric tourna les yeux sur cette belle fille, car il faut bien croire que ce fut un mal-heur qui la luy fit trouver alors si belle, l’ayant veue seule auparavant tant de fois, sans s’en estre soucié, mais à ce coup se trouvant à un bal, où Silviane s’estoit deguisée comme durant les Baccanales l’on a accoustumé de faire suyvant la coustume des Romains, il la treuva tant à son gré que depuis il l’ayma furieusement. Silviane