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de qui que nous les recevions. - Il y a, reprit Andrimarte, des blesseures honorables et agreables, et d’autres qui sont honteuses et fascheuses, et celles que je reçois de vous sont du nombre des premieres et au contraire seroient celles que vos compagnes me feroient si leurs yeux en avoient la puissance. - Je ne puis, respondit la jeune Silviane, m’imaginer sur quoy se fonde ceste difference. - S’il se trouvoit, dit Andrimarte, d’autres Silvianes aussi belles et aussi accomplies que vous estes, et qui par leur beauté peussent faire d’aussi aimables blesseures, je vous accorderois qu’elles seroient aussi desirables que les vostres, mais cela ne pouvant pas estre, soyez certaine, madame, que jamais je n’estimeray faveur ny remede, que celuy qui me viendra de vous.

Silviane estoit fort jeune, et toutesfois non pas tant, qu’oyant parler Andrimarte de ceste sorte, elle luy en sceut bon gré ; car l’amour de nous-mesmes est tellement naturel en nous que rien ne nous peut obliger davantage en quelque aage que nous soyons, que la bonne estime que l’on fait de nous. Et cela fut cause qu’elle luy respondit : La bonne opinion que vous avez de moy vous fait tenir ce langage ; mais croyés, Andrimarte, que vous y estes obligé par celle que j’ay de vous.