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que mes yeux vous ont fait le mal, que le meilleur remede sera, qu’à l’avenir je les vous cache. - Ne le faites pas, madame, je vous supplie, si vous ne voulez ma mort aussi-tost que vous aurez commencé un si mortel remede, car sçachez que la blesseure que j’ay receue de vous, est telle que si quelque chose me peut conserver la vie, c’est en me donnant d’autres nouvelles et semblables blesseures.

- Voilà un mal estrange, dit la jeune Silviane, et puis qu’il est ainsi, de peur que vous mouriez, je feray non seulement le contraire de ce que je disois, mais je supplieray encores toutes mes compagnes d’en faire de mesme, afin que la quantité des blesseures que leurs yeux vous feront, puissent vous soulager de celles que vous avez receues de moy. - Vos compagnes, respondit-il, ont bien des yeux, mais non pas pour me guerir, ny pour me blesser. - Et quelle difference, adjousta-t’elle, mettez vous de mes yeux aux leurs, puisque quant à moy, je n’y en cognois point ? - Elle est telle, repliqua Andrimarte, que j’aimerois mieux estre desja mort, que si elles m’avoient peu faire la moindre des blesseures que j’ay pour vous, et que j’eslirois plustost de n’avoir jamais esté que de n’estre blessé de vos yeux, comme je suis. - Je n’entends pas, dit-elle, pourquoy vous estes de ceste opinion, car il me semble, que les blesseures sont tousjours blesseures,