fort, et qui sont continuellement devant mes yeux, et regardez si vous y treuverez une seule lettre de mon nom ? - Ny moins, repliqua-t’il, daignent-ils de le faire sur ces animaux sans raison, mais seulement dans le cœur des hommes, et des hommes encore qui sont dignes d’estre estimez tels. - Et comment, dit Silviane, s’est peu faire cela sans que je m’en sois apperceue ? - N’avez-vous pas esté plus petite que vous n’estes ? dit Andrimarte. Et respondez-moy, madame, s’il vous plaist, quand vous vous estes faite plus grande, avez-vous pris garde comment vous avez faict pour croistre ? - Cela, respondit-elle, je l’ay fait naturellement. - Et naturellement aussi, reprit Andrimarte, vous m’avez fait ces blesseures dans le cœur. - Mais, mon Dieu ! repliqua-t’elle, j’ay ouy dire que toutes les blesseures du cœur sont mortelles. Si cela est, et que mes yeux vous y ayent blessé, je seray cause de vostre mort, et vous aurez bien occasion de me vouloir du mal. - Il est vray, continua-t’il, que toutes les blesseures du cœur sont mortelles, et que celles que vous m’avez faictes me feront mourir, si vous n’y mettez remede ; mais quoy qu’il m’arrive, je ne vous voudray jamais du mal, puisqu’au contraire je ne pense pas avoir assez de force pour vous pouvoir aimer autant que je desire, et que vous meritez. - Je pense, dit la jeune Silviane, puis
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