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tous les deux, dit Andrimarte. - Je vois bien, reprit-elle, que joignant ces deux paroles, il y a j’ayme Silviane, mais c’est moy qui l’ay escrit. - Il est vray, respondit Andrimarte, aussi est-ce bien vous qui me l’avez gravé dans le cœur. - Dans le cœur, reprit-elle toute estonnée, et comment se peut faire cela, puis que je ne veis jamais vostre cœur ? - Je ne sçay, repliqua-il, comment s’est peu faire ; mais si sçay-je bien que c’est avec les yeux que vous l’avez faict. - Or s’escria-t’elle, voilà ce que je ne croiray jamais, car outre que mes yeux ne sçauroient graver chose quelconque, encore si les yeux le pouvoient faire, peut-estre, je m’en fusse bien apperceue quelque autre fois, puis que vous n’estes pas la seule chose que j’ay veue en toute ma vie. Et pour vous monstrer que je dis vray, n’a-t’il pas fallu que je me sois servie de cette esguille pour mettre mon nom sur ceste escorce ? Je croy que j’eusse long-temps employé mes yeux à cet office, avant qu’ils y eussent peu marquer la moindre lettre de mon nom.

Ceste response d’enfant fit bien cognoistre le peu de ressentiment qu’elle avoit des traicts d’amour, et toutesfois il ne laissa de luy dire : Ne vous estonnez pas, madame, que vos yeux n’ayent gravé vostre nom sur l’escorce de cet arbre, puis que le mespris qu’ils font de ces choses insensibles, en est la cause. - Mais n’ay-je pas veu, dit-elle, ces petits chiens que la royne aime si